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Dossier - La personnalité juridique de l’animal

Par Caroline Regad, Enseignant-chercheur des Universités, Lauréate des Facultés de droit, Co-fondatrice et co-directrice du diplôme universitaire en droit des animaux, Co-directrice des ouvrages sur la personnalité juridique de l’animal et Cédric Riot, Enseignant-chercheur des Universités, Avocat à la Cour, Co-fondateur et co-directeur du diplôme universitaire en droit des animaux, Co-directeur des ouvrages sur la personnalité juridique de l’animal | © GoodStudio

La trilogie des colloques et ouvrages sur la personnalité juridique de l’animal est le fruit d’une recherche novatrice et ambitieuse qui a mobilisé sur plusieurs années une équipe composée d’universitaires et de praticiens.

Pour la première fois dans la communauté scientifique, la personnalité juridique de l’animal est posée de manière affirmative et non interrogative, et s’accompagne de la formulation d’une nouvelle doctrine en droit français. La trilogie invite ainsi à refondre la catégorie des personnes pour y intégrer les animaux, reconnus comme des personnes physiques non-humaines. De manière pragmatique, le droit pourrait alors distinguer, en renouvelant les catégories existantes, le régime juridique applicable selon qu’il s’agisse d’animaux de compagnie, d’animaux liés à un fonds (les animaux de rente, de divertissement, d’expérimentation) ou d’animaux sauvages. Chaque catégorie d’animaux pourrait dès lors bénéficier d’un régime juridique spécifique prenant en compte, non seulement les connaissances scientifiques (le degré de sensibilité, d'intelligence et de conscience propres à chaque animal), mais également les contraintes éthiques, sociologiques et économiques. Tous les jalons relatifs à l’évolution du statut juridique de l’animal sont progressivement posés pour constituer in fine un véritable socle au droit des animaux du XXIe siècle. « Carences d’aujourd’hui », la personnalité juridique de l’animal pourrait bien devenir une « force de demain » (1). C’est dans cette perspective que trois colloques universitaires ont été organisés et systématiquement ponctués par une séance solennelle. La trilogie se poursuit par la publication d’ouvrages qui recouvrent les trois chapitres envisagés d’un nouveau Code civil français, et qui se ponctuent lors de séances solennelles par la rédaction de documents à vocation nationale et/ou internationale. Prenant en compte la nécessaire transdisciplinarité du domaine d’analyse, un nouveau regard juridique est posé sur l’animal, emportant avec lui la fin de la réification et la proposition d’un droit du vivant défini dans le cadre de la trilogie. La protection par le droit commun s'impose alors et induit la reconnaissance d'une personnalité juridique.

L’animal de compagnie a été, en 2018, le sujet du premier chapitre de la trilogie visant à mettre en cohérence le droit des animaux par une proposition doctrinale inédite intégrant dans l’ordonnancement juridique français le concept de « personne physique non-humaine ». En effet, si une structure créée par l’homme (une société, une association, etc.), entité désincarnée, peut avoir des droits en tant que personne, les animaux, êtres biologiquement vivants pourraient, sans aucun obstacle juridique, bénéficier de cette personnification. Forts d’une personnalité juridique nouvelle, ils seraient ainsi reliés au vivant par le rattachement aux personnes physiques. Les personnes physiques non-humaines côtoieraient les personnes physiques humaines, chacune de ces catégories étant naturellement dotée de droits spécifiques. À cette occasion, une nouvelle architecture du Code civil a été présentée, avec pour ambition l’appréhension des animaux par le droit commun et leur exhaussement au rang de sujets de droit. À l’issue de cette première manifestation scientifique, une proposition de rédaction d’un texte de loi relatif à la personne physique non-humaine est remise solennellement à Madame la Députée Gomez-Bassac. Cet événement, qui a reçu les vœux de réussite de la Première Dame, a été prolongé, le 20 novembre 2018, par la présentation du projet de refonte de la catégorie des personnes juridiques lors d’un colloque au sein de l’Assemblée nationale (2).

Poursuivant ce travail de recherche, le deuxième chapitre de la trilogie a été consacré aux animaux liés à un fonds. Il s’agissait cette fois de prendre en compte les animaux d’élevage, de divertissement et d’expérimentation (c’est-à-dire tous les animaux domestiques, sauf les animaux de compagnie). Lors de la séance solennelle, la Déclaration sur la personnalité juridique de l’animal du 29 mars 2019, dite « Déclaration de Toulon », a été proclamée (3). À vocation internationale, ladite Déclaration pose un principe fort, celui de la personnalisation aux yeux du droit de l’animal, et autorise une adaptation souple puisque « l’animal » reconnu comme tel par le droit n’a pas été défini. Inscrite dans la soft law, elle est conçue comme un outil juridique de référence permettant à chaque ordre juridique de s’en saisir pour personnifier, au regard de son histoire et de ses ambitions, certains animaux. Conformément à ses objectifs, la Déclaration de Toulon est mobilisée à travers le monde par tous les acteurs qui œuvrent dans la construction d’un nouveau statut juridique de l’animal (États, organisations internationales, chercheurs, parlementaires, avocats, associations, etc.). À l’étranger, elle figure aujourd’hui dans des centres de recherches au titre de « Document international ». Le supplément au rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU) « Harmony with Nature » fait mention de la Déclaration de Toulon au rang des avancées « non anthropocentrée » ou « planéto-centrée » (4).

La trilogie se conclut en 2020 sur les animaux sauvages en prenant une nouvelle ampleur. La recherche sur la personnalité juridique se rattache alors aux problématiques liées à la biodiversité, à l’environnement et au développement durable. La personnalité de l’animal sauvage ouvre en effet la réflexion sur le vivant et se prolonge dans les questions relatives à la protection des écosystèmes. Faut-il « (ré)concilier les approches environnementale et animale » ? « Le levier de la personnalité juridique des animaux sauvages » (5) pourrait y aider. Le lien entre la biocénose (l’ensemble des êtres vivants) et le biotope (le milieu de vie) mérite plus que jamais une protection particulière que pourrait offrir le cadre d’un droit du vivant conceptualisé, marquant le passage d’un droit « sur » le vivant à un droit « du » vivant. Le dernier volet se propose d’explorer cette piste qui pourrait renforcer et enrichir la nouvelle architecture du Code civil français préalablement présentée. Concluant la trilogie scientifique sur la personnalité juridique de l’animal, la Charte du droit du vivant dévoilée révèle toute l’étendue du projet universitaire qui a présidé à sa réalisation. À vocation internationale, la Charte du droit du vivant déploie également une de ses ailes dans l’ordre juridique interne puisqu’il serait possible d’envisager sa constitutionnalisation. L'introduction de la Charte dans le bloc de constitutionnalité permettrait de rééquilibrer la protection d'intérêts parfois divergents entre l'homme, l'animal et la nature (6).

Ce dossier propose de revenir sur chaque volet (7) ayant rythmé la trilogie et sur les trois événements solennels l’ayant ponctué. Partant de l’animal de compagnie qui en explique la genèse, la doctrine de la personne non-humaine se développe et se ramifie avec les animaux liés à un fonds (les animaux de rente, de divertissement, d’expérimentation) avant d’exprimer toute son étendue avec les animaux sauvages.

Sommaire : 

LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE DE L’ANIMAL (I) - L’ANIMAL DE COMPAGNIE 

LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE DE L’ANIMAL (II) - LES ANIMAUX LIÉS À UN FONDS

LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE DE L’ANIMAL (III) - LES ANIMAUX SAUVAGES

Notes : 

1 C. Riot, La personnalité juridique de l’animal de compagnie : carences d’aujourd’hui, force de demain, in C. Regad, C. Riot et S. Schmitt, La personnalité juridique de l’animal (I) – L’animal de compagnie, LexisNexis, 2018, p. 85-103.

2 C. Regad, C. Riot, « La personnalité juridique de l'animal, seul moyen d'assurer la cohérence du droit », Colloque, Assemblée nationale, Paris, 20 nov. 2018.

3 V. le texte de la Déclaration de Toulon et ses traductions officielles sur le site de l’université de Toulon à l’adresse : 
www.univ-tln.fr/Declaration-de-Toulon.html ; elle figure également in C. Regad et C. Riot, La personnalité juridique de l’animal (II) – Les animaux liés à un fonds (les animaux de rente, de divertissement, d’expérimentation), LexisNexis, 2020, p. 121-132.

4 ONU, ass. gén., Supplément au rapport du secrétaire général, Harmony with Nature (A/74/266).

5 C. Regad, (Ré)concilier les approches environnementale et animale – Le levier de la personnalité juridique des animaux sauvages, in C. Regad et C. Riot, La personnalité juridique de l’animal (III) – Les animaux sauvages, à paraître.

6 Les travaux issus de la trilogie, comme la Déclaration de Toulon ou la Charte du droit du vivant, inspirent des réformes institutionnelles dans d’autres systèmes juridiques. Le 17 février 2021, le Sénat de la République mexicaine, par l’intermédiaire de Madame la Sénatrice Jesusa Rodriguez, a organisé un forum pour la reconnaissance des droits des autres animaux. Lors de cet événement, la Déclaration de Toulon a été présentée comme un support à la reconnaissance des droits des animaux non-humains dans le système juridique mexicain. Cet événement constitue la première étape d’une initiative de réforme qui sera présentée au Sénat afin de reconnaître, au niveau constitutionnel, les autres animaux comme personnes sujets de droits. Ce projet de constitutionnalisation rejoint sur de nombreux points celui de la Charte du droit du vivant à vocation nationale et internationale (V. infra.)

7 Ont contribué à ces événements : Louis Balmond, enseignant-chercheur en droit public, université de Toulon ; Éric Baratay, enseignant-chercheur en histoire, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), université de Lyon ; Charles-Hubert Born, enseignant-chercheur en droit, université de Louvain (Belgique), Avocat ; Aurore Boyard, avocate ; Yves Christen, biologiste et écrivain scientifique ; Teresa Giménez-Candela, enseignant-chercheur en droit romain, université autonome de Barcelone (Espagne) ; Isabelle Kerdudo, chargée de projet au Conseil de l’Europe ; Jean-Pierre Marguénaud, enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, université de Limoges ; France Mottet, maître en droit (Belgique) ; Gilbert Mouthon, professeur honoraire à l’École vétérinaire de Maisons-Alfort, expert auprès des tribunaux ; Alain Papaux, enseignant-chercheur en méthodologie juridique et en philosophie du droit de l’environnement, université de Lausanne (Suisse) ; Laurent Pennec, enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, université de Toulon ; Violaine Perrot, substitut du procureur placée auprès du procureur général de Besançon ; Caroline Regad, enseignant-chercheur en histoire du droit, des idées politiques et en anthropologie juridique, université de Toulon ; Cédric Riot, enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, université de Toulon, avocat à la Cour ; Sylvie Schmitt, enseignant-chercheur en droit public, université de Toulon.

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