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USUFRUITIER ET QUALITÉ D’ASSOCIÉ OU L’ÉTRANGE CAS DU DOCTEUR JEKYLL ET DE MISTER HYDE

Par PAR QUENTIN NÉMOZ-RAJOT, MAÎTRE DE CONFÉRENCES, CENTRE DE DROIT DE L’ENTREPRISE, ÉQUIPE DE RECHERCHE LOUIS JOSSERAND (EA3707), UNIVERSITÉ JEAN MOULIN LYON III, RESPONSABLE DOCTRINE AKILYS AVOCATS

Pour la première fois, la Haute juridiction dénie expressément la qualité d’associé à l’usufruitier de droits sociaux. Cependant, dans le même temps, elle affirme que l’usufruitier peut exercer des prérogatives d’associé susceptibles d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance. La question de la qualité d’associé ou non de l’usufruitier de droits sociaux est l’objet d’un inépuisable débat doctrinal (1), à la confluence du droit des biens et du droit des sociétés. L’interrogation, devenue emblématique, n’a malheureusement jamais été réglée par le législateur. La loi du 19 juillet 2019 (2), qui modifia notamment les règles applicables au droit de vote et au droit de participation aux assemblées générales en cas de démem - brement de propriété, offrait pourtant une parfaite opportunité de trancher définitivement en faveur d’une analyse (3). Hélas, la querelle doctrinale fut au contraire relancée par la reconnaissance, au profit de l’usufruitier, d’un droit de participation d’ordre public à l’en - semble des décisions collectives (4). Jusqu’à l’affaire commentée, la jurisprudence, elle aussi, n’avait jamais expressément répondu à la controverse ; c’est dire la portée retentissante de la solution retenue par la haute juridiction.

En l’espèce, deux usufruitiers de parts sociales d’une SCI familiale demandèrent en justice, après silence gardé par le gérant, la désignation d’un mandataire chargé de provoquer une délibération collective des associés afin de statuer sur la révocation du gérant et la nomi - nation de cogérants. Pareille faculté est expressément accordée à tout associé non gérant par l’article 39 du décret du 3 juillet 1978 (5). Dans un arrêt en date du 11 février 2020 (6), la cour d’appel de Bordeaux considéra cette demande irrecevable. Elle releva que les demandeurs avaient « la seule qualité d’usufruitiers titulaires d’un droit de vote et non la qualité d’associés ». L’arrêt souligne aussi, fort à propos, qu’aucune « disposition ni des statuts ni de la loi ne confère à l’usufruitier la qualité d’associé ». Saisie du pourvoi, la troisième chambre civile était alors contrainte d’enfin se prononcer sur la qualité d’associé ou non de l’usufruitier. L’importance de la question était telle qu’en application de l’article 1015-1 du code de procédure civile (7), la chambre commerciale de la Cour de cassation fut saisie pour avis par la troisième chambre civile. Cette initiative est particulièrement louable car ces deux chambres sont compétentes en matière sociétaire et le risque d’une divergence a ainsi été écarté, accentuant d’autant plus l’importance de l’analyse retenue. En effet, la solution émise par l’avis de la chambre commerciale du 1er décembre 2021 (8) est, en parfaite coordination, reprise par la troisième chambre civile dans son arrêt du 16 février 2022 publié au Bulletin (9). Le sort de l’usufruitier au regard de sa qualité ou non d’associé est dès lors définitivement tranché, du moins peut-on l’espérer, au regard de la réponse prétorienne de concert et dénuée de toute ambiguïté : « l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé ». Si la chambre commerciale avait tiré le premier coup de semonce dans son avis, elle est donc sans grande surprise rejointe par l’arrêt de la troisième chambre civile qui s’appuie, à son tour, sur le droit des biens et plus précisément sur l’article 578 du code civil pour justifier sa position. Qui plus est, l’uniformité du raisonnement suivi se poursuit entre les chambres au niveau du tempérament apporté.

En effet, après avoir dénié à l’usufruitier la qualité d’as - socié, la Haute juridiction apporte une nuance considérable au principe posé en avançant qu’il résulte de la combinaison de l’article 578 du code civil et de l’article 39 du décret de 1978 que l’usufruitier « doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance ». A l’image du roman de Stevenson, si l’usufruitier (Mister Hyde) n’est pas un associé (le docteur Jekyll), force est de reconnaître qu’il en présente de nombreux traits au risque peutêtre, comme l’avance le professeur Daigre, d’être lui-même fondamentalement un associé (10) (et finalement le docteur Jekyll…). En effet, si la qualité d’associé de l’usufruitier est enfin écartée (I), c’est pour mieux lui reconnaître des prérogatives propres à cette qualité (II).

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