Baux commerciaux - La privation pour le locataire de la possibilité de poursuivre, dans les locaux, une activité commerciale jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, en méconnaissance de son droit au maintien dans les lieux est constitutive d’un préjudice
Une SCI consent en 2005 et 2007 deux baux commerciaux sur des locaux à usage d’hôtel, bar restaurant et organisation de réception à une locataire. Celle-ci est expulsée en exécution d’un arrêt rendu en référé de 2015 confirmant une ordonnance constatant la résiliation par acquisition de la clause résolutoire. Les locaux sont vendus à une société tierce en 2017.
L’arrêt de 2015 cassé, une cour d’appel de renvoi infirme l’ordonnance. La locataire avait, lors de la procédure de référé, assigné la bailleresse en annulation des commandements et du procès-verbal d’expulsion, en réintégration et en indemnisation des préjudices subis en conséquence de son expulsion. La cour d’appel ayant rejeté sa demande de condamnation de la bailleresse et de l’acquéreur des locaux en réparation de la perte de son chiffres d’affaires depuis la date d’expulsion, au motif qu’elle avait été indemnisée de la perte de son fonds de commerce, la locataire, représentée par son mandataire liquidateur, forme un pourvoi, donnant lieu à un arrêt de cassation. La Cour de cassation juge au visa des articles L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution et L. 145- 14 et L. 145-28 du code de commerce : « 8. Il résulte, du premier de ces textes, que si la décision de justice, titre en vertu duquel l’exécution est poursuivie aux risques du créancier, est ultérieurement modifiée, le créancier rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent et, des deux derniers, que le locataire évincé, qui peut prétendre au paiement d’une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail commercial, a droit jusqu’au paiement de cette indemnité, au maintien dans les lieux, aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ». En retenant que la locataire, « indemnisée de la perte de son fonds de commerce, intervenue à la date de son expulsion, ne peut au surplus être indemnisée des gains qu’elle aurait obtenus si elle était restée en possession du fonds 10. (…) alors que la privation de la possibilité de poursuivre, dans les locaux, une activité commerciale jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, en méconnaissance du droit du locataire au maintien dans les lieux, occasionne à ce dernier un préjudice qu’il appartient au juge d’évaluer, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
OBSERVATIONS.
Dans le cas de la poursuite de l’exécution provisoire d’une décision ultérieurement modifiée, les pertes d’exploitation subies jusqu’au versement de l’indemnité d’éviction constituent un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité d’éviction et que les juges doivent évaluer. I.T.
RÉF. : Cass. 3e civ., 25 janvier 2023, n° 21-19.089, FS-B.